Les personnes qui s’adressent à l’Église pour demander un sacrement, fidèles à la tradition qu’elles ont connue et qui les habite encore, sont conduites à constater que l’Église ne fait plus les choses comme il y a 20, 30, 40 ans. Pourquoi ça change ?
Ce qui change, ce n’est pas la foi de l’Église ! Mais c’est la façon de vivre et de signifier cette foi dans une société qui, elle, a beaucoup changé.
Pour le dire à grands traits et qui manquent bien sûr de nuances, on pourrait dire que nous sommes passés d’une société québécoise marquée par un catholicisme sociologique à une situation où le fait d’être chrétien doit tenir d’une décision convaincue, dans une société qui ne se réfère plus collectivement à la foi chrétienne comme repère fondamental.
Le catholicisme sociologique, c’est cette situation où, en naissant dans une société fortement marquée par un héritage catholique, on devient presque automatiquement membre de cette religion par le fait même de naître là. « Être catholique », dans ce monde-là, était marqué par la fidélité à des « codes de fonctionnement ». On pense au respect de rites sacrés : la messe à chaque semaine, les jeûnes du vendredi et du carême, quelques moments de prière en famille ou individuelle, la messe de minuit et « les Pâques » puis, bien sûr, quelques rites « de passage » – le baptême, la première communion, la confirmation, le mariage, les funérailles. Il y avait aussi des normes morales associées à cette appartenance chrétienne, normes qu’il fallait respecter souvent sous peine de subir les foudres d’un pasteur scrupuleux ou, pire, du diable lui-même à la fin des jours. Enfin, il y avait bien sûr des éléments de contenu de foi, bien appris dans l’enfance, essentiellement sous un mode « par cœur » : les questions – réponses du catéchisme.
Tout cela venait comme un « paquet » à assumer en tant que citoyen d’une société catholique. Dans ce contexte, il ne venait à l’esprit de personne de se demander ce que signifiait devenir chrétien tant ça allait de soi. Ce qui comptait plus que tout, c’était de bien vivre, au plan moral, d’avoir des « bonnes valeurs » le plus conformes possible à l’Évangile et, surtout aux Commandements. Et l’on est en droit de se demander s’ils auraient été nombreux ceux qui auraient pu, alors, répondre à la question : « qu’est-ce que ça change, pour toi, de croire à la résurrection du Christ ? En quoi cela donne-t-il du sens à ta vie ? » La question aurait semblé impertinente, on ne pensait pas dans ces termes-là.
Puis sont arrivés… en fait, pas facile de démêler clairement les faits qui ont conduit à la déchristianisation de la société québécoise. La Révolution tranquille (tournant des années ’60), le Concile Vatican II (1962-1965) y ont certes joué un rôle. Mais l’explication est plus globale et plus complexe, et ses racines remontent bien avant 1960. Ce qui est clair, c’est qu’on a voulu, à cette époque, se débarrasser de ce qui apparaissait comme un carcan. Et ce que cela a mis en évidence, c’est que la société québécoise, sous un vernis de pratiques catholiques, n’était pas fondamentalement ancrée dans la foi au Dieu de Jésus Christ.