Avouons que cela peut se révéler quel que peu confondant : notre revue préférée aurait 135 ans cette année mais Pastorale-Québec, sous son titre et sa forme actuels, n’a vu le jour qu’en 1971. Mis à part l’avantage (?) de multiplier ses anniversaires, que retenir de cette distinction?
Un bref aperçu des origines
En fait, on peut distinguer trois grandes étapes de longueurs inégales. Notre Pastorale-Québec a succédé à la revue Église de Québec (1965-1971) et à La semaine religieuse de Québec (1888-1965), un bulletin hebdomadaire comme son nom l’affiche clairement. Derrière les changements de vocable, on s’en doute et on peut aisément le vérifier, se cache plus ou moins chaque fois une véritable réorientation; ce, toujours dans le but de mieux répondre aux besoins nouveaux d’une Église qui se transforme avec la société qui l’héberge et la nourrit. Bien entendu, une nouvelle étape n’interdit pas des ajustements bien visibles, comme le passage au polychro me (quatre couleurs process) depuis 2009.
C’est un curé de Cap-Rouge et spécialiste des sciences naturelles, l’abbé Léon Provancher, qui inaugura La semaine religieuse de Québec en 1888. Mais le fondateur passa rapidement la barre, avant même la fin de l’année 1888, à un autre prêtre naturaliste, l’abbé Victor-Alphonse Huard. Mentionnons tout de même que l’abbé Provancher, inspirateur de la Société Provancher dédiée encore aujourd’hui à « l’amour et la préservation des milieux naturels », assurait en même temps la publication d’un autre périodique : Le naturaliste canadien.
Nous ne nous attardons pas davantage sur cette époque, que nous connaissons moins et qui a été brièvement documentée dans l’édition de décembre 2013 de Pastorale-Québec.
Des changements attendus et jugés nécessaires
Au sortir du Concile Vatican II, d’aucuns souhaitaient une revue « moins officielle », davantage à l’écoute de la vie pastorale « sur le terrain »; à cette fin, textes et mandements épisco paux y occuperaient moins d’espace. Du reste, le bulletin clérical Ad Usum Sacerdotum (à l’usage des prêtres), un autre périodique catholique, avançait dès la décennie 1950: «Une multitude de problèmes nous envahissent, qui requerraient des lumières théologiques. »
Église de Québec a alors été rapidement esquissée à cette fin : aider les pasteurs à faire face aux « problématiques nouvelles », dans l’esprit du Concile. Mais la question apparaissait déjà complexe et appelait une analyse plus longue et approfondie. On y sent la recherche de voies nouvelles pour la communication ecclésiale.
Le Service diocésain de pastorale met alors sur pied un comité de réflexion qui aboutit à la proposition d’une nouvelle revue : Pastorale-Québec. En font partie le coordonnateur de la pastorale diocésaine, Roland Doyon, l’abbé Paul Lacouline et le père Jean-Marie Bégin. Les abbés Bertrand Fournier et Pierre Morissette joignent bientôt ce club de penseurs. Pastorale-Québec naît finalement en 1971. Le cardinal Maurice Roy a approuvé ce projet avec toute l’ouverture d’esprit qu’on lui (re)connaissait dé jà à l’époque. On y prône un sain équilibre entre l’information et la formation permanente. Le nouvel organe diocésain de communication est alors édité en deux couleurs, une innovation à l’époque. Déjà se manifeste clairement un désir d’échapper régulièrement à « la langue de bois », ce langage très défensif qui n’explique que très peu ce qu’il annonce et demeure réservé à un groupe sélect d’initiés. Nul besoin d’insister sur le fait que cette langue bien codée est maintenant très répandue dans le monde des relations publiques et de la politique, parmi d’autres. Et qui oserait prétendre que Pastorale-Québec elle-même n’y a jamais succombé?
Une évolution aisément repérable
Au fil de quelques années seulement, on verra de nombreux soubresauts. Ceux-ci tiennent parfois à la personnalité du rédacteur en chef, souvent désigné bien modestement com me le secrétaire de la revue. Le premier d’entre nous, le génial Paul Desaulniers, missionnaire du Sacré-Coeur, osera une touche humoristique et ira bientôt lancer un petit magazine destiné au grand public : RND (pour Revue Notre-Dame). RND connaîtra une période glorieuse sur quatre décennies, notamment par la grâce de sa distribution gratuite via le canal des Caisses populaires Desjardins et de par sa facilité à pointer des sujets qui rejoignent les interrogations d’un très grand nombre de gens.
L’abbé Charles Deblois, journaliste professionnel, tient aussi la barre de Pastorale-Québec pendant quelques mois.
Lui succède en 1973 l’abbé Denis Duval, dont la plume particulièrement vive saura égayer un propos autrement très sérieux, non sans l’agrémenter, pendant quelques années, de caricatures à teneur religieuse absolument inoffensives. Pendant cette période, on voit de nombreux dossiers : résurrection et réincarnation, le mariage chrétien et sa célébration métamorphosés, divers volets en matière de solidarité internationale, la pastorale du deuil et de la souffrance… Les retombées consécutives à la tournée canadienne du pape Jean-Paul II, fin 1984 et par après, en sont un peu le couronnement.
C’est le regretté père François Thibodeau qui prend la barre en 1986. Un objet de fierté qui l’accompagnera encore 35 ans plus tard : avoir pu maintenir intact, à 3 330, le nombre d’abonnés à la revue diocésaine. Il donne d’abord la parole aux équipes régionales, encore nombreuses (13 équipes et une centaine de personnes mandatées) à l’époque. On peut sentir un désir de contourner la langue de bois, non sans un grand respect de l’institution et de son personnel. Comme nous le rappelons dans son hommage funèbre (en page 20 du présent numéro), il doit quitter en 1990 pour d’autres fonctions au sein de sa congrégation.
Le chanoine Marc Bouchard sort alors d’une année sabbatique après 12 ans comme supérieur du Grand Séminaire. Il arrive avec le défi de mieux comprendre et faire comprendre ce qui évolue rapidement dans le ministère paroissial. Après deux ans et avec le soutien du directeur Denis Robitaille, il décide une nouvelle approche graphique, une présentation plus moderne et plus colorée, mais toujours en deux tons. Lui et son équipe sont confrontés à la décroissance du personnel pastoral, malgré une progression remarquée du nombre d’agents laïques, et des (maisons de) communautés religieuses. La revue, à ce moment, se concentre davantage sur un nombre plus restreint de sujets.
Quand le soussigné lui succède abruptement en 2002, il a au moins le privilège d’avoir déjà piloté Pastorale-Québec pendant huit mois en 1994-1995. Il essaiera de mettre à profit ses études et son expérience professionnelle en journalisme à Ottawa. Il décide rapidement de systématiser des pistes ouvertes par son prédécesseur : les chroniques régulières sur la Bible, la spiritualité, le cinéma. D’excellents collaborateurs comme André Pelletier, Bertrand Ouellet, bientôt Alain Faucher et puis Pierre Robitaille, entre autres, aident à nourrir cette section; d’autant plus que les collaborations en provenance des paroisses se faisaient moins nombreuses depuis quelques années…
Des événements importants occuperont un bon espace, comme la mort de Jean-Paul II, le Congrès d’orientation sur l’avenir des paroisses, les voyages de Benoît XVI, les 60 ans de l’État d’Israël, le Congrès eucharistique international (CEI) de Québec… Une nouveauté observée par plusieurs personnes: une couverture appréciable de l’actualité internationale, tant sociale que religieuse. Les photos se multiplient comme jamais auparavant. On cherche à compenser la diminution du nombre annuel de parutions par des éditions plus volumineuses, qui atteignent 40 et même 48 pages. Le numéro-souvenir du CEI de 2008, réalisé durant l’été, compte plus de 100 pages.
Par ailleurs…
Il ne faut pas oublier l’apport, bien réel même si variable de l’une à l’autre, des personnes qui assurent la direction de la revue. Après l’animateur diocésain Denis Robitaille et le journaliste Jean Martel, ce sera l’ancien secrétaire du Conseil supérieur de l’éducation Arthur Marsolais. En 2003, il laisse la place à une première femme dans l’histoire de Pastorale-Québec, notre amie Marthe Boudreau, agente de pastorale alors fraîchement retraitée. Nommé directeur des communications en 2009, Jasmin Lemieux-Lefebvre ajoutera ce service à sa liste de tâches déjà bien garnie. Une deuxième femme, la pétillante Valérie Roberge-Dion, a pris le relais depuis 2019; il lui appartiendra de gérer la suite.
Car – ce sera notre brève conclusion – la fin de cette publication soulève la question : qu’adviendra-t-il de l’analyse pastorale et de l’information dans notre organisation diocésaine? La seconde peut assez bien être transmise par infolettre et avec les vidéos d’ECDQ.tv, mais la première se développe rarement sur l’Internet. Pensons à cette étude récente (2020) sur les nouvelles de Radio-Canada : on y concluait clairement qu’un bulletin radio de huit minutes nous apprend beaucoup plus qu’un téléjournal de 60 minutes ; ce, avec les mêmes journalistes. La fixation sur l’image ramène le tout à des émotions, le reportage filmé peut être accrocheur mais en fin de compte, il n’informe que très peu…
Comment préserver l’analyse requise? C’est la question centrale que le Comité de rédaction de Pastorale-Québec s’est posée pendant deux bonnes heures en juin. Il revient maintenant aux responsables de l’Église catholique de Québec de gérer la réponse possible en contexte de compressions budgétaires…