(Mise à jour le mardi 24 février :
La Table interreligieuse de concertation du Québec accentue la pression avec un communiqué émis le lundi 23 février : les leaders religieux du Québec y réclament que les lieux de culte puissent accueillir 30 % de leur capacité le plus rapidement possible. Cliquez ici pour un compte-rendu de l’implication des leaders religieux dans les médias dans la foulée de cette interpellation.)
Message du cardinal Gérald C. Lacroix aux fidèles du diocèse de Québec
Le vendredi 19 février 2021
Frères et sœurs dans la foi,
La paix soit avec vous ! Depuis mardi, le 16 février, nous avons reçu de très nombreuses réactions à la suite de l’annonce faite par le Premier ministre du Québec qui permet aux cinémas d’accueillir jusqu’à 250 personnes, à compter de la semaine de relâche des écoles.
Nous sommes en mesure de comprendre le bien-fondé d’offrir aux familles la possibilité de se divertir en profitant d’une sortie en salle de cinéma au cours de la semaine de relâche. Cette crise sanitaire a été et demeure une épreuve pour les familles et la population en général.
Toutefois, les croyants et croyantes n’arrivent pas à comprendre pourquoi l’accès à leurs lieux de culte reste limité à 10 personnes en zone rouge alors que les cinémas peuvent accueillir jusqu’à 250 personnes.
Depuis la réouverture de nos églises en juin 2020, nos équipes ont été, de façon générale, très respectueuses des consignes de la santé publique. Les fidèles, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes, expriment clairement le besoin de se retrouver pour célébrer leur foi. Depuis presqu’un an maintenant, une grande créativité a permis de développer des liens importants avec les membres de nos communautés via les applications informatiques. Cela ne comble cependant pas le besoin de nous rassembler pour prier, célébrer, nous soutenir mutuellement et sortir de l’isolement qui est si difficile à vivre pour un grand nombre de personnes.
Plusieurs d’entre vous avez communiqué avec moi ou avec d’autres de mes collaborateurs et collaboratrices pour exprimer votre désarroi devant cette situation qui se prolonge dans le temps. Je vous remercie d’avoir pris le temps de partager vos préoccupations.
Ma réaction comme archevêque
Lors de communiqués antérieurs, je n’ai pas hésité à vous inviter à être solidaires des mesures demandées par les autorités du Québec. Nous sommes des croyants mais nous sommes aussi des citoyens, et il m’apparaît nécessaire d’être solidaires de l’effort collectif qui nous est demandé afin qu’ensemble, nous apportions notre collaboration en vue d’en finir avec la propagation de ce malin virus.
Aujourd’hui, il m’est plus difficile d’exprimer ma solidarité avec les décisions annoncées, car elles m’apparaissent déraisonnables et inéquitables envers les communautés de foi. Vous êtes plusieurs à nous partager l’impression que nous nous retrouvons avec des décisions « deux poids deux mesures ».
Comment expliquer le fait qu’une famille traversant un deuil se voit ainsi limitée pour accompagner à l’église un être cher et lui offrir des funérailles chrétiennes alors que, parfois dans le même quartier, il est possible de se rassembler à 250 dans un cinéma?
L’annonce faite cette semaine nous laisse non seulement perplexes mais également déçus de constater que, malgré tous les efforts déployés dans nos lieux de culte pour protéger la santé de nos pasteurs et fidèles, nous sommes contraints à garder nos lieux de rassemblement pratiquement fermés ou limités à 10 personnes pour les diverses célébrations et à 25 personnes pour les funérailles.
La voie du dialogue
Au cours de l’automne dernier, un dialogue fructueux s’est établi avec les autorités du Gouvernement du Québec ainsi qu’avec la Santé publique. La table de concertation interreligieuse a permis des échanges respectueux et féconds afin d’exposer le point de vue des communautés de foi présentes au Québec et de mieux comprendre les décisions des autorités gouvernementales.
Dans ce cas-ci, ne pouvons pas demeurer silencieux devant les décisions prises par les autorités, alors qu’elles nous laissent une impression de discrimination envers les communautés de foi.
Les évêques catholiques du Québec ainsi que les membres de la Table poursuivent donc leurs efforts de dialogue. Celui-ci nous apparaît être le chemin le plus fructueux. C’est notre responsabilité de veiller aux intérêts de nos communautés.
Implication citoyenne
Toutefois, dans une démocratie, tous les citoyens peuvent et doivent faire connaître leurs préoccupations et leurs questionnements aux élus qui les représentent et aux personnes responsables. C’est pourquoi je vous invite à communiquer avec votre député ainsi qu’aux responsables de la Santé publique de votre région pour exprimer votre point de vue. Que ce soit par téléphone, par courrier postal ou encore par courrier électronique, il est souhaitable d’exprimer avec respect et clarté nos besoins.
Respect des mesures sanitaires et… courage!
Quoiqu’il arrive, nous continuerons de respecter les mesures sanitaires. Comme je l’ai toujours fait, je vous invite au plus grand respect de toutes les mesures proposées, même si cela est difficile à vivre. Nous espérions être rendus ailleurs alors que le printemps est à nos portes. Il y a encore beaucoup d’incertitude et d’inquiétude dans l’air. Nous devons faire notre part pour ne pas être atteints par la COVID-19 et ne pas la transmettre à d’autres personnes.
Nous venons d’entrer en Carême, quarante jours qui nous sont offerts pour grandir dans la foi, l’espérance et la charité. Demeurons unis dans la prière et l’espérance. Prions les uns pour les autres. Prions aussi pour nos élus et pour les personnes qui ont la lourde et délicate responsabilité de guider le peuple québécois en ces temps difficiles et exigeants.
Que le Seigneur vous bénisse. Courage!
† Gérald C. Card. Lacroix
Archevêque de Québec
Crédit photo : Gérald Cyprien Lacroix