À la suite de mon précédent article de blogue, La goutte d’eau qui fait déborder le vase, plusieurs personnes ont fait des commentaires pour exprimer leur désaccord en mentionnant les victimes de prêtres pédophiles. On accuse l’Église de cacher l’information de ces abus et d’être plus prompte à défendre ses membres qu’à se préoccuper des victimes… Je ne peux m’empêcher de vouloir clarifier certaines choses.
L’Église est certes très clairement la première à se désoler que certains de ses membres commettent des abus sexuels. Les prêtres, en particulier, sont des représentants de Dieu pour les fidèles, «d’autres Christ», des personnes à qui faire confiance et se confier… Imaginez le contre-témoignage offert lorsque cette confiance est brisée d’une si rude manière! Imaginez la brisure pour l’Église, la déchirure de savoir ses brebis ainsi bafouées et blessées par ceux-là même qui devaient les protéger!
Moi-même, je me sens blessée chaque fois que j’entends parler d’un cas d’abus sexuel, et spécialement s’il a été commis par un des représentants de ma foi. Bien plus que choquée, j’en suis profondément attristée et je me sens démunie, impuissante devant cette souffrance causée. Mais si je ne ressens pas de colère, de frustration, c’est que, comme l’Église, je sais que derrière des comportements qui font le mal, il y a aussi des blessures, voire des maladies. Si je ne ressens aucune haine, c’est que je fais le choix de l’amour, c’est-à-dire de vouloir le bien de chaque être humain, sans exception. Sans chercher à comprendre ce qui peut pousser un être humain à agir comme ça, on ne peut pas vraiment se forger une opinion rationnelle honnête. Regardez donc la série québécoise de 12 épisodes Aveux, pour mieux comprendre. Et considérez le témoignage suivant:
Il y a quelques jours, j’ai assisté, comme journaliste, à un Cercle de confiance, activité dont le but est la réconciliation et la communion entre les personnes de toute origine qui habitent la terre québécoise, et spécialement avec les autochtones, les Amérindiens. J’ai eu la chance d’y entendre le témoignage du grand chef héréditaire algonquin communément appelé Dominique Rankin, et aussi de discuter avec lui en entrevue. Homme de sagesse, il a beaucoup à apprendre à ses concitoyens… Arraché à sa culture et à sa famille à sept ans, emprisonné dans l’un de ces malheureux pensionnats canadiens où on lui interdisait sa «langue sale» et tout ce qui se rapportait à ses racines, violé et abusé à maintes reprises par des prêtres et des religieuses, il est aujourd’hui capable de raconter son histoire avec émotions, certes, mais dans une profonde paix et une grande douceur. Aujourd’hui, il a même la foi et est très heureux de faire partie de l’Église. Ce qui a changé depuis l’époque où le petit Dominique, blessé, confus et frustré est rentré chez ses parents, c’est qu’il a pardonné. Mais comment peut-on pardonner à des monstres qui font vivre un enfer et brisent des vies? Eh bien, il a pu le faire par la sagesse d’une des «médecines» de son peuple, parce qu’on lui a fait réaliser que la personne qui l’avait violé, ce n’était pas un prêtre ou une religieuse, ce n’était pas un Blanc; c’était un homme malade.
Comment espérer aider les victimes de viol en alimentant la haine, la colère et le désir de vengeance, alors qu’il n’y a que le pardon qui puisse leur permettre de guérir et de redevenir entiers? N’a-t-on pas pensé que, peut-être, les dirigeants de l’Église, bien plus transparents qu’on semble vouloir le croire, ont réellement le désir de faire ce qui est le mieux en leur pouvoir pour le bien des victimes, mais qu’ils n’ont simplement pas la même vision de ce que c’est? N’a-t-on pas songé qu’une fois l’abuseur dénoncé pour que le mal puisse être révélé et arrêté, il ne sert peut-être à rien de bon de s’acharner sur lui?
Au Congrès eucharistique international de Dublin, en 2012, la réconciliation a été un thème important, et particulièrement celle auprès des victimes des abus sexuels qui avaient été dénoncés peu de temps auparavant. Quelques personnes parmi lesdites victimes étaient présentes, et une pierre avait été gravée d’une prière pour elles, pour signifier la ferme intention de l’Église d’Irlande de tout faire pour que cela ne se produise pas à nouveau et d’aider les victimes à guérir. À cette occasion, la Cardinal Marc Ouellet était légat apostolique, c’est-à-dire représentant du pape, et en tant que tel, il avait rencontré personnellement quelques unes des victimes.
Oui, bien sûr, ces abus sont quelque chose d’horriblement triste qu’il faut dénoncer et apprendre à éviter! Mais me blâmerait-on toute ma vie pour une grave erreur que ferait l’un de mes enfants? Il faut savoir identifier les chemins de réconciliation et s’y engager.