Voici un message préparé par les membres du conseil Église et Société, de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec : Mgr Marc Pelchat, président, Mgr Claude Hamelin, Mgr René Guay, Mme Sabrina Di Matteo, Mme Émilie Frémont-Cloutier, M. Frédéric Barriault, M. Simon Labrecque.
La communauté humaine, à l’échelle mondiale, est affectée depuis plusieurs mois par la propagation d’un mal sans précédent à notre époque. La collectivité québécoise se trouve, elle aussi, frappée de plein fouet par la pandémie du nouveau coronavirus. Mises à pied massives de travailleuses et de travailleurs, fermeture temporaire ou définitive d’entreprises, baisse radicale de l’activité économique, confinement des personnes vulnérables, isolement social, efforts supplémentaires demandés au personnel soignant, difficulté de maintenir les services aux personnes âgées, à celles itinérantes et aux plus démunis, sans oublier le décès de plusieurs personnes atteintes par la contagion et les deuils à vivre ensemble : autant d’aspects d’un temps de crise qui nous met à l’épreuve, mais qui se révèle aussi un moment de grande solidarité sociale.
Dans ce contexte, la population croyante a renoué avec la vie de « l’Église domestique », la vie chrétienne dans nos foyers, en maintenant autant que possible les liens entre nous par divers moyens. L’Église catholique au Québec a cherché à se montrer solidaire de la population québécoise. Nos communautés sont attentives aux personnes qui souffrent davantage de la situation, notamment les personnes qui ont perdu leur emploi. Plusieurs employés des institutions ecclésiales partagent la condition des centaines de milliers de personnes en chômage. Plusieurs d’entre elles se sont engagées dans l’action bénévole afin de maintenir la capacité des organismes communautaires à offrir leurs services. Tous et toutes, nous anticipons le retour à la vie régulière et la reprise des activités normales. Plusieurs d’entre nous partagent en même temps la conviction que cette situation exceptionnelle contient un appel au changement, à partir des nouveaux comportements dont nous avons fait l’expérience depuis quelques semaines.
La présente crise affecte nos modes de vie, notre rapport au travail, nos attitudes face à la consommation, nos relations familiales et sociales, et même notre rapport à la mort. Voici venu le temps de réfléchir à nos valeurs profondes, à notre sens de la fraternité humaine, à notre capacité d’entraide entre les groupes sociaux, à l’inégalité des conditions de vie, ainsi qu’à l’impact dévastateur des changements climatiques reliés à une croissance économique sans frein et à une exploitation démesurée des ressources. Nous sommes placés devant nos responsabilités les uns à l’égard des autres.
Le coronavirus sert de révélateur des limites de notre système socio-économique. La solidarité sociale que la propagation de la COVID-19 a réveillée chez plusieurs d’entre nous apparaît comme une réaction en chaîne qui pourrait transformer durablement notre vivre-ensemble. Ainsi, a-t-on vu se réaliser des ententes de temps partagé entre les travailleurs, des manifestations d’un authentique souci des employeurs pour leurs employés, d’entreprises se plaçant au service des besoins de la société pour s’adapter à la production de biens essentiels, d’initiatives de collaboration entre les entreprises et les groupes communautaires.
Nous avons aussi été les témoins des grands efforts consentis par les gouvernements pour adapter ou créer des programmes économiques au service des besoins des personnes. Les pouvoirs publics et les acteurs économiques sont parvenus à mettre en place des mesures pour instaurer, au moins provisoirement, l’équivalent d’un système de revenu minimum garanti. Les différents programmes de subvention salariale sont venus pallier les pertes de revenus des personnes privées d’un emploi en raison de la COVID-19. La présente crise devient ainsi l’occasion de réfléchir à la mise en place durable d’une formule de revenu minimum garanti pour tous les citoyens. Des mesures incitatives pour soutenir l’emploi doivent aussi faire partie du coffre d’outils en dehors des périodes de crise. Il y aura un « après » à la crise actuelle de santé publique, qui devient aussi une crise de santé sociale et économique. Il ne faudra pas négliger, le moment venu, les transformations du système qui nous sollicitent, car l’économie et la santé sont étroitement reliées.
La présente catastrophe sanitaire entraîne des effets socioéconomiques négatifs tout en suscitant les adaptations de système et des solutions inventives. Elle nous montre également que ces effets négatifs affectent davantage les couches de population les plus fragilisées et creusent les inégalités sociales, ce qui aura des conséquences à long terme sur la santé publique. Cela nous interpelle. Nous devrons continuer à porter ces questions en cherchant à y répondre.
Un cercle de vie a commencé à poindre au creux de cette crise : agissons en sorte que tout ce que nous apprenons en ce moment, en construisant une plus grande solidarité sociale, perdure dans le temps. Notre société en est capable et elle en a fait la preuve.
Au cours des dernières semaines, l’Église au Québec a été plus effacée en raison du respect des directives sanitaires qu’elle a accepté de s’imposer, comme beaucoup d’autres institutions. Nous avons voulu être au diapason d’une société placée en pause et retenant son souffle. Mais l’Église n’a pas cessé et elle ne cessera pas d’accompagner, par le soutien spirituel et la solidarité effective, ceux et celles qui souffrent davantage de la crise sanitaire et des bouleversements économiques qui en découlent. Continuons d’avancer ensemble pour réaliser une société plus solidaire et une véritable civilisation de l’amour!