Article tiré de la revue Pastorale-Québec, avril-juillet 2020
Début juin, alors que s’amorçait un déconfinement en marge de la pandémie, Pastorale-Québec a voulu sonder quelques intervenants pastoraux. Nous leur avons demandé quelles prises de conscience la crise a pu susciter chez eux et comment s’esquissait à leurs yeux le futur rapproché de nos communautés chrétiennes.
Mario Côté, curé de Saint-Ambroise de la Jeune Lorette
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Comment vivez-vous cette crise personnellement?
Je la vis comme un ralentissement forcé de l’élan que j’avais dans le cadre de la mission. Un pasteur qui ne peut plus rassembler ses communautés, c’est comme être « orphelin » de façon inversée. C’est dire comment nous avons besoin de la présence des uns et des autres. Par ailleurs, ralentir la course folle dans laquelle je suis parfois engagé a quelque chose de bénéfique pour la vie personnelle et spirituelle. En même temps, j’accepte difficilement la mise à l’écart et l’ignorance (« ignorance crasse » pour reprendre une expression célèbre…) auxquelles nous confinent les autorités sanitaires et gouvernementales.
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Quelles prises de conscience avez-vous faites ces dernières semaines?
Nous avons une extraordinaire capacité d’adaptation lorsque nous n’avons plus le choix de faire autrement. J’ai découvert que je fonctionne mieux que je ne le croyais avec les moyens électroniques mis à ma disposition.
De plus, c’est une chance de travailler avec une équipe de personnes de différentes générations aux capacités et charismes multiples; l’adaptation obligée à une nouvelle réalité en est décuplée!
Ceci dit, faire Église avec le web, ç’est bien mais cela comporte aussi de grandes limites… c’est tellement plus que cela « faire Église ».
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Quelles pistes entrevoyez-vous pour une Église post-COVID (fragilisée, à renouveler?)
Je ne crois pas que nous en sortirons tellement fragilisés comme Église; je vois ce passage plutôt comme un moment de vérité. J’entrevois une Église qui aura découvert d’autres manières de travailler et de communiquer et/ou être en lien autrement avec ses membres.
Sans vouloir idéaliser, la pause obligée nous aura appris à commencer à apprivoiser d’autres manières de faire Église. Jean-Paul II, à la JMJ de Toronto en 2002, avait dit : « Un chrétien isolé est un chrétien en danger; la foi chrétienne se vit avec d’autres ». Notre Église va probablement retrouver la valeur et la richesse de ses rassemblements. Nous avons besoins les uns des autres pour continuer dans la foi.
Simon Lessard, de l’équipe du magazine Le Verbe
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Comment vivez-vous cette crise ?
De manière paradoxale à cause de mon travail au Verbe médias et de ma vie dans un presbytère: plus de mission, plus de sacrements et plus de vie commune ! J’ai aussi eu la chance d’animer en direct notre émission quotidienne spéciale « On n’est pas du monde » sur les ondes de Radio Galilée, pour accompagner les croyants durant le confinement et proposer une lecture chrétienne des événements.
2 – Vos prises de conscience ces derniers mois?
Que la plus grande pauvreté est la pauvreté relationnelle; que la foi chrétienne n’est jamais aussi pertinente que devant le mystère de la souffrance et de la mort;
et que tout tourne véritablement à l’avantage de ceux qui aiment Dieu. J’ai aussi réalisé à quel point nos médias chrétiens sont importants en temps de crise pour soutenir la foi et témoigner de notre espérance.
3 – L’Église que vous entrevoyez ?
Une Église rajeunie et simplifiée, contemplative et communautaire, plus petite et plus pauvre, mais d’autant plus fervente et plus libre pour la mission. N’ayons pas peur !
Nolwenn Robinet, de la paroisse Saint-Thomas d’Aquin, à Sainte-Foy
- Comment vivez-vous cette crise, comme membre de l’Église?
Je me sens assez partagée entre ma sensation d’être au désert, trop loin de ceux que j’aime et de ma communauté, en manque cruel de l’Eucharistie et paradoxalement touchée par la grâce des moments inoubliables en famille et en paroisse via internet, notamment durant la Semaine sainte, et de ce cadeau de ce temps d’introspection de remise en question individuelle et collective.
2. Quelles prises de conscience faites-vous ces derniers mois?
Je crois que cette période m’a ouvert les yeux sur l’urgence de se mettre en action ici et maintenant pour guérir notre monde malade. Cela passe par faire des choix de consommation responsable, respectueux de l’humain et de notre planète; ça nous invite à nous engager dans notre communauté pour être des vecteurs de paix et porter attention aux plus fragiles. Cela me pousse à travailler sur la façon d’ancrer cela au quotidien avec ma famille et dans mon travail pour avoir une vie chrétienne unifiée.
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Quelles pistes entrevoyez-vous pour une Église post-COVID?
L’Église a une grande responsabilité pour être un vecteur du changement car elle propose une voie qui est celle de la recherche du Bien commun. La transformation doit venir de l’intérieur, avec d’abord un renouvellement de la foi dans nos paroisses qui serait un tremplin pour témoigner et agir.
À mon sens, l’Église post-COVID est bien connectée. Elle propose des ressources en ligne pour toucher le plus grand nombre et continue de diffuser messes, temps de prières et enseignements. Elle outille sa communauté en utilisant les moyens de notre temps et les expériences positives qui se vivent dans le monde entier pour donner des pistes concrètes nous permettant d’avoir une vie chrétienne unifiée et de nous engager dans notre société. L’exemple de la Traversée (au diocèse de Fréjus-Toulon) me parle particulièrement. Cela passe par repenser la façon dont nous communiquons en faisant la paix avec le passé, en s’engageant au présent et enfin en construisant l’avenir.
Sonia Bergeron, agente de pastorale aux paroisses Saint-Jean-l’Évangéliste, Saint-Joseph de Lévis et Saint-Nicolas de Lévis
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Comment vivez-vous cette crise personnellement ?
Je suis habitée par un grand désir d’être solidaire, de contribuer à différents niveaux et avec les limites de mon propre confinement. D’abord en étant bien informée par des réseaux d’information fiables et par le respect des consignes; par l’accompagnement des membres de ma famille et mes proches; par une écoute attentive des personnes qui vivent difficilement cette crise.
Bien que la situation actuelle soit extrêmement difficile, je suis généralement paisible. La prière et la fréquentation quotidienne de la Parole de Dieu me gardent dans la Paix. Je suis dans la confiance et non dans la désolation. Sentir et goûter la Présence Amoureuse de Dieu suscite en moi énormément de joie, de Vie. Et, cela me permet de collaborer, à ma façon, à la Création dans le monde actuel et celui de demain.
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Quelles prises de conscience faites-vous ces derniers mois ?
Malgré notre ardent désir de communion, l’Église reste en marge de la société.
La réconciliation est nécessaire et chaque baptisé a un rôle important dans cette démarche. Il est essentiel d’avancer ensemble dans la même direction. La communion et l’unité sont un témoignage extrêmement fort.
3. Quelles pistes entrevoyez-vous pour une Église post-COVID?
Nous sommes dans un temps tout à fait singulier, une opportunité exceptionnelle pour prendre résolument le tournant missionnaire. Un passage attendu et désiré par plusieurs. Avancer et dépasser les étapes du choc, du déni et de la colère. Prendre acte que plus rien ne sera pareil, qu’il ne reste plus rien de nos repères habituels. Le moment est venu de s’engager, tous ensemble, à être des témoins joyeux de la Bonne Nouvelle dans le monde. Partenaires d’une société bonne, juste, responsable de la dignité humaine et de la création.