« Nous nous excusons de l’existence des pensionnats eux-mêmes, parce que nous reconnaissons que l’abus le plus fondamental n’est pas ce qui s’est passé dans les pensionnats mais bien les pensionnats eux-mêmes. […] D’une façon très spéciale, nous désirons présenter nos excuses pour les cas d’abus physique et d’agression sexuelle qui ont eu lieu dans ces institutions. […] Nous ne voulons d’aucune façon tenter de défendre ou de justifier ces cas. »
La communauté catholique au Canada n’a pas de structure centrale; depuis 1991, les diocèses et communautés religieuses qui avaient été impliquées dans la gestion des pensionnats fédéraux ont initié un mouvement d’excuses, comme on peut le voir sur cette liste détaillée.
Des rencontres significatives avec les papes se sont déroulées dans le passé, mais en ce qui concerne le pape François, rappelons qu’il se prépare à accueillir une délégation d’Autochtones, de Métis et d’Inuits pour une rencontre, prévue du 17 au 20 décembre 2021. La lettre du cardinal Lacroix dans Le Soleil du 19 juin résume aussi des gestes posés par le pape Benoît XVI.
Le système fédéral des pensionnats a été mis sur pied vers 1883. On estime que 150 000 enfants âgés de 3 à 16 ans ont été contraints de fréquenter les pensionnats fédéraux exploités au Canada entre 1883 et 1996.
Sur les 139 pensionnats identifiés dans la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI), 46 % (64 écoles) étaient gérés par des entités catholiques ; environ 16 des 70 diocèses catholiques du Canada étaient associés aux anciens pensionnats, en plus d’une trentaine de communautés religieuses catholiques.
Q. Y a-t-il eu des pensionnats autochtones dans le diocèse de Québec?
Au Québec, on a compté 12 pensionnats fédéraux; pour connaître leur emplacement, voici une carte interactive.
Il n’y a pas eu de pensionnat autochtone sur le territoire du diocèse de Québec, mais nous partageons la peine et la honte causées par tout abus commis par des personnes en fonction d’autorité dans l’Église.
Q. Quelles sont les causes du décès des enfants dans les pensionnats?
Les décès dans les pensionnats pour autochtones restent toujours à expliquer avec plus de précision. Environ 150 000 enfants ont fréquenté les pensionnats au Canada. La Commission de vérité et de réconciliation a recensé 3200 décès dans les registres nommés et non nommés des décès confirmés d’élèves des pensionnats. Depuis la publication du rapport de la CVR en 2015, le nombre d’enfants décédés a tout récemment été actualisé à au moins 4100.
Voici un résumé des données disponibles actuellement. Pour un peu moins d’un tiers (32 %) des 3 200 décès identifiés dans le rapport de la CVR, le gouvernement et les écoles n’ont pas enregistré le nom de l’élève décédé. Pour un peu moins d’un quart de ces décès (23%), le gouvernement et les écoles n’ont pas enregistré le sexe de l’élève décédé. Pour un peu moins de la moitié de ces décès (49 %), le gouvernement et les écoles n’ont pas enregistré la cause du décès. Le taux de mortalité des enfants autochtones dans les pensionnats était plus élevé que celui des enfants d’âge scolaire dans la population générale. (CVR volume 4 – Enfants disparus et sépultures non marquées – pages 26-27)
Dans les cas où la cause du décès était déclarée, la tuberculose était la cause dominante de décès, représentant 48,7 % ou 896 des décès survenus dans les pensionnats. Venaient ensuite la grippe et la pneumonie.
Les élèves sous-alimentés et mal nourris étaient particulièrement vulnérables aux maladies telles que la tuberculose et la grippe (notamment l’épidémie de grippe espagnole de 1918-19). En grande partie à cause du sous-financement du système par le gouvernement fédéral, la nourriture était faible en quantité et de mauvaise qualité.
Un travail de fouille dans les archives, de même que l’examen des restes retrouvés, permettront de mieux comprendre les circonstances de ces décès.
Q. Pourquoi ces sépultures n’étaient-elles pas identifiées?
Le professeur d’anthropologie à l’Université Lakehead de Thunder Bay Scott Hamilton a personnellement documenté activement, pour la CVR, les cimetières liés aux écoles résidentielles. Dans une entrevue au B.C. Catholic au lendemain de l’annonce médiatique, il soulignait qu’il ne s’agit pas de charnier ni de « fosse commune », mais bien de tombes placées les unes à côté des autres, comme dans tous nos cimetières.
Le professeur Hamilton a conclu de ses recherches que les petites croix de bois qui surplombaient probablement les tombes sont disparues avec le temps, faute d’entretien. C’est là un élément particulièrement désolant: comme l’observe le jésuite Raymond de Souza dans le National Post, des corps enterrés qu’on ne peut identifier constituent une atteinte à la dignité humaine.
Le Gouvernement du Canada, à l’origine des pensionnats pour autochtones, voulait que les dépouilles soient enterrées « au coût le plus bas possible ». Selon le rapport de la Commission de vérité et de réconciliation, il était fréquent que les parents ne soient pas informés du décès d’un élève, et les corps des élèves décédés dans les pensionnats étaient rarement renvoyés chez eux, sauf si les parents avaient les moyens de payer le transport. Dans un effort pour limiter les dépenses, le ministère des Affaires indiennes (comme il s’appelait alors) s’opposait à l’envoi des corps des enfants décédés dans leur communauté d’origine.
Q. Comment les communautés religieuses ont-elles pu s’associer à ce système?
Les communautés qui se sont associées au système des pensionnats autochtones ont présenté des excuses (voir ci-haut), et nous ressentons tous de la honte comme catholiques face aux sévices qui y sont survenus.
Sans minimiser les abus commis, la Commission fait toutefois état d’une réalité nuancée : la plupart des personnes qui œuvraient dans les pensionnats étaient bien intentionnés. Ces gens « ont travaillé pendant des années dans des conditions qui étaient souvent très différentes de celles auxquelles ils étaient habitués, travaillaient pour un salaire très bas et vivaient dans des logements restreints et surpeuplés (…). Ils ont passé leur vie à enseigner, à cuisiner, à faire du ménage, à cultiver la terre et à surveiller les enfants. Ces activités elles-mêmes étaient positives, et non négatives. La plupart des membres du personnel n’étaient pas responsables des politiques qui provoquaient la séparation des enfants de leurs parents et qui faisaient en sorte qu’ils vivaient dans des installations inadéquates et sous-financées. En fait, beaucoup d’employés ont consacré une grande partie de leur temps et de leur énergie à tenter de rendre plus humain ce système dur et souvent destructeur. Si les pensionnats ont donné des résultats positifs, nous les devons à la résilience des enfants eux-mêmes et aux efforts de ces employés. »
(Commission de vérité et réconciliation du Canada, Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir. Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, p. 132)
Q. Est-ce que l’Église garde des archives cachées en lien avec l’histoire des pensionnats?
La plupart des entités catholiques qui géraient des pensionnats ont commencé à partager leurs dossiers il y a des années. L’accessibilité est assez simple, mais la préservation des archives et la complexité d’y chercher les traces des faits passés sont des enjeux que présente bien cet article.
Notamment, certains documents ont été perdus au fil du temps. Selon une politique du gouvernement fédéral de 1933, les bulletins scolaires pouvaient être détruits après cinq ans et les rapports d’accidents après dix ans. Entre 1936 et 1944, le gouvernement fédéral a détruit 200 000 dossiers des Affaires indiennes (comme le ministère s’appelait alors).
Les dossiers du gouvernement et de ceux qui exploitaient les pensionnats étaient souvent incomplets. Les incendies survenus dans un certain nombre de pensionnats ont également endommagé ou détruit les dossiers historiques à certains endroits.
Q. Est-ce que l’Église offrira une réparation financière pour les personnes blessées par les pensionnats?
Les entités catholiques qui exploitaient des pensionnats faisaient partie de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI) de 2006.
Les quelque 50 entités individuelles qui ont signé la CRRPI ont payé :
i. 29 millions de dollars en espèces (moins les frais juridiques) ;
ii. plus que les 25 millions de dollars requis en contributions « en nature » ; et
iii. 3,7 millions de dollars supplémentaires provenant d’une campagne de « meilleurs efforts » sur un objectif de 25 millions de dollars.
Actuellement, les diocèses de tout le pays sont en discussion pour déterminer la meilleure façon de s’engager dans un effort financier renouvelé pour atteindre l’objectif de la campagne de 25 millions de dollars.
Q. Comme croyant, croyante, que puis-je faire pour contribuer à « faire partie de la solution »?
Chacun et chacune d’entre nous peut garder son coeur ouvert à la souffrance vécue par nos frères et soeurs autochtones, et tisser au quotidien des liens d’amitié avec eux. Marcher avec les communautés autochtones, dans l’écoute mutuelle et l’engagement pour construire un meilleur vivre-ensemble.
Nous pouvons aussi nous informer sur le sujet, partager les ressources pertinentes, et contribuer par nos prises de parole à apporter apaisement et soutien, sans faire rayonner les appels à la haine. Nous pouvons aussi prier, confiants que l’Esprit est agissant ici et maintenant :
Prions
Pour les enfants qui sont décédés dans les pensionnats du Canada et pour tous ceux et celles qui vivent encore aujourd’hui dans la souffrance, afin que la guérison soit fondée sur la vérité et que l’Esprit inspire notre engagement continu vers la réconciliation.
Seigneur, vois notre faiblesse et notre repentir profonds, et continue de purifier et transformer ta famille.
Donne-nous l’humilité d’écouter lorsque d’autres révèlent comment nous avons échoué, et le courage d’aimer les autres comme nous-mêmes, conscients de ton amour pour les plus faibles et les plus vulnérables d’entre nous. Amen.